Réduire à l'essential       

Nous avons de la chance, il fait beau!  Alors nous prenons le minimum d'outils et du papier aquarelle, un petit chevalet pliant, un torchon, de l'eau et un souhait de mélanger le dessin avec une nouvelle technique d'apprendre à ce centrer et de bien respirer pour se détendre et voir différemment.

Nous sortons ensemble dans la forêt pas loin de la Gare de Bevaix. Dans une petite clairière nous posons nos chevalets et nous regardons autour de nous. Avant de faire quoi que ce soit d'autre nous faisons quelques exercices de respiration pour se calmer et se détendre.  Nous fermons les yeux et nous imaginons un sujet que nous aimerions traiter. Le mot "image" est clef car cette image nous permettra de trouver l'objet que nous voulons transformer sur papier sans trop chercher dans la grande forêt qui nous entoure. Nous sommes déjà focalisés. Tout doucement, nous ouvrons les yeux.

Devant toi, un arbre. Beau, longiligne, d'une variété de couleurs exquise entre le bleu et le vert, le violet et l'orange... et malgré tout, bien équilibré et réservée... Tu t'approches. Tu te rends compte que cet arbre est bien plus complexe que tu ne le croyais et tu commences à cataloguer les détails qu'il faudrait prendre en compte... STOP!

Recules un peu, encore un peu, clignes des yeux, regardes cet objet de ton admiration à travers tes cils, la tête un peu en arrière et voilà que ces détails disparaissent, mais c'est toujours ton arbre, toujours beau et fin, quoi que les couleurs se mélangent un peu pour devenir un dégradé plutôt que mille et une teintes, puis tout d'un coup il se transforme. Devant toi apparait le corps  d'une belle jeune femme, superposé sur celui de l'arbre, et elle danse, ses bras levés vers le soleil, ses cheveux virevoltant autour de sa tête, ses jupes en spirale autour de ses genoux...

Tu y es?  Bien, retiens cette image et tournes la tête pour regarder autre chose pendant une ou deux minutes. Reviens encore à ton arbre et commence ton inspection dès le début avec les yeux à mi-clos. Prends ton papier et ton outil (crayon noir ou terre de sienne, crayon gras, pastelles, craie, stylo calligraphique ou petit gris grand et fin pour faire de l'aquarelle) et tout en gardant les yeux à moitié fermés, d'un geste léger et fluide crées seulement les grandes lignes de cet arbre-femme-de-rêve. Laisses venir le mouvement de ses cheveux, ses jupes, ses bras et essaies de ressentir le plaisir qu'elle ressent en se permettant cette danse au milieu de la forêt, cette danse intime où elle se laisse aller à la joie qui remonte en elle comme la sève dans un arbre printanier...

Maintenant tu peux ouvrir tes yeux et regarder ce que tu as fait.  L'essentiel de l'arbre est là devant tes yeux mais transformé en un être vivant en plein mouvement, pas du tout statique ni détaillé jusqu'à la dernière épine. Le ressenti a pris le dessus et l'essence de l'objet est apparue, unique et vivant. Ce qui se passe dans ces moments de lâcher prise, où la respiration est profonde mais calme et le ressenti contrôle le gestuel est une forme de méditation qui nous permet de nous recentrer, de rechercher à faire remonter ce qui somnole au plus profond de nous pour se libérer sur le papier. Ce n'est pas nécessairement beau au début mais malgré tout c'est libérant et avec de la pratique ce genre d'exercice nous permet de voir d'autres options pour changer nos techniques de travail, à l'intérieur comme à l'extérieur.  A tout bientôt pour la prochaine journée de "Calligraphie ex-essentialiste" !